Comment et où trouver de l’argent quand on lance un projet innovant ?

C’est une question qu’on me pose régulièrement, et qui est LE sujet de préoccupation majeur de tout porteur de projet : comment financer son projet quand il n’est encore qu’à l’étape d’idée ?

C’est bien entendu un sujet majeur, surtout que "projet innovant", dit "phase de R&D". Et la R&D comme j’aime à le dire, on sait quand on commence et ce qu’on cherche, on ne sait jamais quand ça se finit et ce qu’on trouvera !

Dans ce nouvel article, je souhaitais partager avec vous mon expérience, en dressant un inventaire (qui n’a pas vocation à être exhaustif) des principales sources de financements qui peuvent être mobilisées par un porteur de projet innovant.

Allez, en route!

PS: Phobiques administratifs, s'abstenir !

Les fonds propres

Je commence toujours pas parler des fonds propres quand on me pose la question du financement, car pour moi c’est un point fondamental. Mais je sais que tout le monde ne partage pas ce point de vue, et que les réseaux sociaux foisonnent d'entrepreneurs millionnaires ayant démarré avec 0€ en poche. Possible, mais statistiquement peu probable.

Mon expérience m’a montré que ce sont les fonds propres que j’ai mis sur la table dans le cadre de mon projet qui ont crédibilisé ma démarche, et qui m’ont permis de lever d’autres financements. Comme je le dis souvent, comment demander à des organismes et financeurs privés de vous accompagner et de prendre des risques, si vous-même n’en prenez pas avec vos économies ?

Je m’en suis rendue compte très rapidement, que ce soit dans les discussions que j’ai pu avoir avec des incubateurs, des établissements bancaires ou des financeurs privés : ils mesurent aussi votre motivation et votre conviction au montant que vous êtes prêt à mettre en jeu.

Par contre il est important de bien définir en amont la somme que vous souhaitez consacrer à votre projet en vous posant la question suivante : quelle somme suis-je prêt à miser et donc à perdre, sans que cela n’impacte ma famille ? C’est une étape essentielle, afin de ne pas vous retrouver a posteriori dans une situation extrêmement difficile.

La "love money"

C’est une pratique extrêmement courante, surtout chez la jeune génération d’entrepreneur. Comme son nom l’indique, cet argent est "l’argent du cœur", c’est-à-dire de l’argent que vos proches acceptent de vous donner/prêter pour lancer votre projet.

Pour ma part, je n’ai pas du tout activé cette source de financement, tout simplement parce que je n’étais pas à l’aise avec ça, et que je ne me sentais pas de mélanger argent et famille/amis.

Mais c’est une pratique très répandue, et qui permet de renforcer les fonds propres du porteur de projet. Donc si c’est une pratique qui vous convient, n’hésitez pas à la mettre en œuvre !

Par contre, il me parait important de bien fixer les règles du jeu : s’agit-il de dons ? de prêt ? d’entrée au capital ? sous quelles conditions ? Il est important de formaliser les choses, et de vous faire accompagner juridiquement pour éviter toute tension qui mettrait en danger votre projet mais surtout vos relations amicales ou familiales.

L’accompagnement de la BPI

La BPI est un acteur majeur de l’accompagnement de l’innovation en France.

Leur site internet, qui est très bien fait, vous donne la liste des accompagnements possibles selon la maturité de votre projet, du secteur d'activité concerné, de sa localisation géographique etc… (https://www.bpifrance.fr/Toutes-nos-solutions)

Pour ma part, la BPI m’a accompagnée au tout début de mon projet, via deux instruments :

- Le Diagnostic innovation, qui permet de cofinancer une première expertise, afin de vous aider à valider ou invalider votre idée (50% de cofinancement, 8000€ d’aide maximum)

- La Bourse French Tech, qui permet de cofinancer la R&D liée à votre projet (70% de cofinancement, 30K€ d’aide maximum)

La BPI peut également accompagner le projet dans sa phase de lancement, d’accélération etc...

Il est intéressant de pouvoir échanger avec un chargé d’affaires sur votre projet pour identifier vos besoins et les accompagnements que la BPI pourrait vous proposer (subventions, prêts à taux 0, autres)

Attention néanmoins ! qui dit subventions de la BPI dit d’avoir travaillé en amont sur un business plan, un plan de trésorerie mensuel etc… Comme tout établissement bancaire, on ne vous prêtera ou donnera jamais d’argent si vos interlocuteurs n’ont pas la garantie du sérieux de votre projet et de votre démarche.

Je vous conseille à ce titre de vous faire accompagner par un expert comptable qui vous aidera à réaliser votre business plan. Je dis bien « aider », car le seul qui soit en capacité de réaliser votre BP c’est vous ! Vous êtes le seul à pouvoir connaître vos coûts de production, les coûts de la R&D, les coûts de personnel etc… L’expert comptable vous conseillera et mettra les chiffres en forme et en cohérence comptable, mais sur base des données que vous lui fournirez. Le travail en amont est donc très lourd et très important. Ne le négligez pas, car ce sera le sésame pour aller ensuite mobiliser des financements (mais surtout pour tester la viabilité économique de votre projet!)

Les incubateurs

Tous les incubateurs ne disposent pas d’un accompagnement financier. La majorité ne dispense qu’un accompagnement matériel, technique et/ou de réseau.

Pour ma part, mon projet a été retenu par l’incubateur de la Technopole de la Réunion, après un passage devant un Comité de sélection, et j’ai ainsi pu bénéficier d’un budget d’incubation.

Ce budget paie en direct des prestataires qui interviennent dans le cadre d'un projet innovant, sur des thématiques identifiées en amont (R&D, communication, accompagnement juridique etc… en fonction du besoin de chaque porteur de projet).

Attention néanmoins ! En cas de réussite du projet (ce que l’on se souhaite tous 😉 ) l’entreprise bénéficiaire devra reverser une partie du budget dont elle a bénéficié à l’incubateur.

Le CIR-CII

En tant que porteur de projet innovant, vous êtes certainement éligible au Crédit d’Impôt Recherche ou Crédit Impôt Innovation. Comme leurs noms l’indiquent, ce ne sont pas des subventions ou de l’argent qui vous est prêté, mais un crédit d’impôt, qui intervient donc a posteriori des investissements en R&D que vous aurez réalisés.

Les conditions d’éligibilité à ces crédits d’impôt sont très complexes, et la jurisprudence évolue quasi quotidiennement sur ces sujets. Je vous conseille donc de vous faire accompagner par un cabinet spécialisé en CIR-CII qui pourra d’abord étudier votre projet et identifier ensuite avec vous l’intérêt ou non de vous lancer dans la constitution d’un dossier de crédit d’impôt, en fonction de vos dépenses, de la nature de la R&D que vous lancez, de votre statut etc…

Pour ma part, je n’étais pas éligible au CIR en l’état, et la quasi-totalité de mes dépenses de R&D étaient déjà financées par la BPI et le budget d’incubation de la Technopole, donc ce n’est pas un dispositif que j’ai sollicité.

Néanmoins, il peut être extrêmement intéressant, ne le négligez pas !

Les financements FEDER

Chaque Région française bénéficie de financements communautaires qu’elle oriente en fonction de ses priorités. Je vous conseille donc d’aller sur le site de votre Région pour prendre connaissance des programmes FEDER qui ont été établis, et chercher les actions et aides qui pourraient vous intéresser.

Pour ma part, je dépends de la Région Réunion (https://regionreunion.com/sites/feder/), et j’ai sollicité deux aides de la Région dans le cadre de mon projet. Il s’agit toujours d’actions cofinancées.

Attention néanmoins ! les modalités administratives sont extrêmement lourdes et longues, ce qui pèse fortement sur la trésorerie des petites structures qui démarrent. Si les taux sont parfois très intéressants, ne négligez pas l’aspect trésorerie, mais aussi l'incertitude qui pèse autour de votre demande : il faut souvent plusieurs mois avant que la Région revienne vers vous pour vous indiquer si oui ou non vous êtes éligible à l’aide en question. Parfois, vous avez déjà engagé les dépenses concernées. Le temps administratif n’est donc définitivement pas le temps de l’entreprise…

Les organismes qui proposent des prêts à taux 0

Renseignez-vous, il existe certainement dans votre région des structures d’accompagnement à la création d’entreprises qui proposent des prêts à taux 0. A l’Ile de la Réunion, c’est le cas par exemple d’Initiative Réunion (https://www.initiative-reunion.fr/) qui peut accorder un prêt à taux 0 allant jusqu’à 50K€.

Si vous êtes une femme et/ou en situation de recherche d’emplois, vous pouvez bénéficier parfois de certains bonus ou aides spécifiques. Renseignez vous !

Les établissements bancaires

Je vais enfoncer des portes ouvertes : les banques sont bien entendu des partenaires importants des jeunes entreprises innovantes.

Néanmoins, qui dit prêt dit taux d’intérêts, et dit aussi remboursement. C’est une évidence, mais il faut que vous l’anticipiez dans votre BP !

N’hésitez pas à aller voir plusieurs banques pour faire jouer la concurrence, et prenez bien le temps d’analyser les différentes offres.

Il peut être intéressant d’envisager des montages entre un prêt BPI, un prêt d’un organisme qui vous octroie un prêt à taux 0 et un établissement bancaire, afin de limiter au maximum le montant des intérêts bancaires et les garanties qui vous seront demandées.

Le crowdfunding

C’est une solution qui est très à la mode dans le monde des start-ups aujourd’hui.

Il y a plusieurs types de crowdfunding :

- les appels à financement sans contreparties spécifiques

- les appels à financements en échange d'une contrepartie

C’est souvent cette deuxième option qui est mise en œuvre.

Elle a plusieurs avantages :

1/ elle est plus attractive pour les financeurs, qui sont souvent plus récalcitrants à donner de l’argent sans contrepartie.

2/ elle permet de confronter le porteur de projet à son marché en amont de la phase de production. C’est donc un test grandeur réel, qui vous indiquera si le projet mérite d’être poursuivi ou non.

3/ évidemment, cela permet de constituer sa trésorerie qui permettra ensuite de faire face aux coûts de production. Vendre avant de produire, cela fait rêver non ?

Les concours

Les concours de start up/d’innovation sont une façon de se constituer un petit pécule, mais aussi de tester son idée en amont, avant de se lancer dans l’aventure.

Par contre, il ne faut pas avoir peur de parler de son idée et de son projet. Il faut accepter de mettre la confidentialité de côté !

Par ailleurs, cela peut vous prendre beaucoup de temps, pour un résultat par définition incertain. Ciblez bien les concours auxquels vous souhaitez participer, pour ne pas vous éparpiller.

Voilà les principales pistes de financements que je souhaitais partager avec vous. Il y en a bien entendu beaucoup d’autres, mais qui me paraissaient moins adaptées au financement « early stage » comme on dit dans le milieu. Fonds d’investissements, business angels, investisseurs privés etc.. interviennent généralement en phase de développement ou d’accélération, beaucoup plus rarement en amorçage (mais ça se trouve !). En général, ils aiment qu’il y ait déjà une preuve de concept, voire des premières ventes avant de se positionner.

J'espère ne pas vous avoir trop effrayés mais au contraire vous avoir démontré qu'il existait une multitude de solutions financières pour vous accompagner dans le développement d'un projet innovant. Et nous avons la chance, en France de manière générale, et à la Réunion en particulier, d'avoir énormément de structures d'accompagnement, à tous les stades, pour stimuler l'innovation et la création d'entreprise.

Alors, qu'attendez-vous pour vous lancer?